Pyrogazéification et gazéification hydrothermale
Comme elle l’a fait lors des Assises Européennes de la transition énergétique qui viennent de s’achever, GRTgaz mettra à l’honneur en juin au salon Expobiogaz le rôle essentiel des gaz renouvelables et bas-carbone dans le futur mix énergétique français. Parmi les sujets du moment : la montée en puissance annoncée des technologies de pyrogazéification (production de gaz à partir de déchets solides) et de gazéification hydrothermale (production de gaz à partir de déchets organiques liquides ou humides). Présentation.
Avec plus de 500 unités au compteur injectant sur les réseaux gaziers français, la méthanisation a ouvert la voie à la production de gaz renouvelables et affirme sa maturité. Dans son sillage, deux nouvelles filières complémentaires éclosent, promises à un bel avenir : la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale.
« La filière commence à récolter les fruits d’un travail quotidien de fond, notamment mené par le Club Pyrogazéification de l’Association Technique Energie Environnement (ATEE) »Said Kheloufi
Responsable filière pyrogazéification chez GRTgaz
La production de gaz à partir de déchets solides dans les starting-blocks
La pyrogazéification est une technologie innovante de production de gaz renouvelable et bas-carbone injectable dans les réseaux gaziers existants. Il s’agit d’un procédé dit thermochimique de conversion de la matière, où des résidus solides sont chauffés à très haute température (jusqu’à 1 500°C) afin de produire un gaz appelé syngas, composé notamment de méthane et d’hydrogène. L’ajout de briques technologiques de méthanation* et de purification de ce syngas permet de produire un méthane injectable dans les réseaux existants de transport de gaz.
*Procédé qui permet de recombiner des molécules gazeuses produites à partir de différents déchets pour en faire un méthane valorisable dans les réseaux.
Quels sont les avantages de la pyrogazéification ?
Dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets (éviter les déchets, réutiliser, recycler, valoriser en énergie…), ce procédé permet de transformer en gaz renouvelables et bas-carbone des résidus et déchets solides aujourd’hui peu ou mal valorisés : plastiques non recyclés, déchets de bois ou encore combustibles solides de récupération (CSR).
La pyrogazéification s’adresse ainsi à une grande variété de résidus solides qui ne peuvent actuellement pas faire l’objet d’une valorisation de la matière. Autre point positif : par les intrants ciblés, elle n’entre pas en concurrence avec la méthanisation ou la gazéification hydrothermale (lire plus bas). « La technologie est une solution de valorisation complémentaire offerte aux industriels ou collectivités », explique ainsi Said Kheloufi, responsable filière pyrogazéification chez GRTgaz. Elle contribue aux objectifs d’économie circulaire et de réduction d’enfouissement des déchets, le tout avec des rendements de production élevés, une diminution de l’empreinte carbone de l’énergie produite mais aussi des émissions de polluants, avec une réduction majeure des fumées et particules fines notamment.
Une perspective de 6 TWh injectés à horizon 2030
La filière engage de nombreux acteurs : secteur des déchets, industriels et collectivités locales dans toutes les régions de France. A l’horizon 2030, le bilan prévisionnel des opérateurs de réseaux, basé sur les ambitions inscrites dans les plans régionaux, montre que la pyrogazéification pourrait valoriser près de 3 millions de tonnes de déchets par an, correspondant à l’injection dans les réseaux de 6 TWh de gaz renouvelable et bas-carbone. À titre de comparaison, la méthanisation a permis d’injecter 7 TWh de biométhane en 20221.
« La pyrogazéification a tout pour devenir le second pilier de production de gaz renouvelables et bas-carbone, avec un potentiel de production de 90 TWh de gaz injecté en 2050, ce qui va permettre de contribuer à l’objectif de neutralité du mix gazier français à cette échéance », affirme Clotilde Villermaux, cheffe de projet pyrogazéification chez GRTgaz.
Où en est-on ?
En termes de développement technique, « des expérimentations semi-industrielles ont fait la démonstration des performances énergétiques et environnementales de cette technologie et de la qualité du gaz obtenu. En phase d’industrialisation, « la filière se retrouve dans les starting-blocks pour les premières unités commerciales », affirme Clotilde Villermaux. Surtout qu’elle va connaître après l’été 2023 une étape décisive, avec le lancement, par les pouvoirs publics, d’un appel à projet permettant un mécanisme de soutien à la production de méthane injecté pour de premières unités commerciales. Une première marque de reconnaissance officielle dans le sillage de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Pyrogazéification pour injection » piloté par GRTgaz en 2022. « La filière commence à récolter les fruits d’un travail quotidien de fond, notamment mené par le Club Pyrogazéification de l’Association Technique Energie Environnement (ATEE) », éclaire Said Kheloufi.
Les premières unités industrielles devraient voir le jour en France en 2026.
>> Cartographie open data des projets de pyrogazéification en cours en France
« Nous avons une technologie de pointe qui est en train de percer, avec un premier projet industriel sur le point d’être lancé par SCW Systems aux Pays-Bas. Pour y parvenir aussi en France, nous avons désormais besoin du soutien de la puissance publique et l’élan sera donné. »Robert Muhlke
Responsable Gazéification Hydrothermale chez GRTgaz
La production de gaz à partir de déchets organiques liquides ou humides, une technologie très prometteuse
Au côté de la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale constitue l’autre technologique disruptive à suivre. Ce procédé innovant de conversion thermochimique à haute pression (210 à 350 bar) et haute température (360 à 700°C), permet ici de valoriser des déchets organiques liquides, humides et aussi secs (ces derniers nécessitent un apport d’eau unique). À la sortie : des gaz renouvelables et bas-carbone injectables, mais aussi des co-produits inorganiques récupérés et valorisables (minéraux, métaux, azote et/ou eau en fonction du déchet valorisé).
Quels sont les avantages de la gazéification hydrothermale ?
Ils sont nombreux. Le procédé permet la valorisation d’une large variété de déchets, produits par tous les territoires et secteurs : industrie, secteur des déchets, agriculture, activités urbaines au sens large. Il peut s’agir d’effluents agricoles ou industriels, des boues de stations d’épuration, des biodéchets de la restauration, des digestats de méthaniseurs, des plastiques souillés ou des déchets de l’industrie chimique et pétrochimique, seul ou en mélange. Autre grand point fort : le procédé permet la destruction quasi-totale des polluants ou pathogènes présents dans ces intrants et a priori aussi les PFAS*, ces « polluants éternels » particulièrement toxiques.
*Les « Per- and polyfluoroalkyl substances » sont une famille de substances chimiques synthétiques
Une perspective de 63 TWh/an de gaz injectable à horizon 2050
Selon les projections de la filière, la gazéification hydrothermale pourrait produire au moins 63 TWh/an de gaz renouvelable et bas-carbone injectable (à partir des 18 plus grands gisements de déchets biomasse) en 2050. Toutes les régions de France devraient en bénéficier : la Nouvelle Aquitaine (9,6 TWh/an) arrive en tête, devant les Hauts de France (8,3 TWh/an) et les Pays de la Loire (7,9 TWh/an)2.
Où en est-on ?
Les années 2023 et 2024 seront décisives pour le décollage de la filière. En février 2023, la publication par le Groupe de Travail national de la Gazéification Hydrothermale du tout premier livre blanc au monde sur le sujet, a permis d’en renforcer la visibilité. En parallèle, deux projets de démonstrateurs industriels se développent en France, dont un majeur (2 t/h) à Saint-Nazaire, sur base de la technologie en cours de développement par Leroux & Lotz Technologies. En partenariat avec la CARENE, l’Agglomération de Saint-Nazaire, il traitera parmi d’autres déchets les boues de la station d’épuration locale. Le second, un pilote mobile de plus petite taille (environ 150 kg/h), est porté par VINCI Environnement.
Et maintenant ? GRTgaz et la filière espèrent enclencher un appel à manifestation d’intérêt d’ici à la fin de l’année, pour « inciter des acteurs à se lancer et permettre aux premiers projets de sortir de terre à l’horizon 2026/2027 », indique Robert Muhlke. « Nous avons une technologie de pointe qui est en train de percer, avec un premier projet industriel sur le point d’être lancé par SCW Systems aux Pays-Bas. Pour y parvenir aussi en France, nous avons désormais besoin du soutien de la puissance publique et l’élan sera donné ». D’ici 2030, la filière entend réaliser et mettre en service environ 60 projets, pour une production totale de gaz injectable dans le réseau d’au moins 2 TWh/an.
Sources :
1 Bilan gaz 2022, GRTgaz
2 Livre blanc de la gazéification hydrothermale, GRTgaz, 2022