Hydrogène bas-carbone : à Dunkerque, le projet DHUNE franchit une étape décisive
En janvier 2024, les études d’ingénierie de base du projet de transport H2 « DHUNE » ont débuté à Dunkerque. Elles sont indispensables avant de pouvoir lancer la construction de la future infrastructure de transport d’hydrogène au sein de la zone industrialo-portuaire.
Le projet DHUNE (Dunkirk Hydrogen Universal Network) est entré dans sa troisième phase de développement. Après le succès de l’appel à manifestation d’intérêt et la réalisation courant 2023 des premières études de faisabilité, cofinancées par l’Etat dans le cadre de France 2030 (opéré par l’ADEME et intégrées au projet de décarbonation du territoire « DKarbonation », piloté par Euraénergie), GRTgaz a lancé en janvier les études d’ingénierie de base, appelées aussi FEED (Front End Engineering Design). Bien plus approfondies que les études de faisabilité, ces études dureront 18 mois et déboucheront sur un « premier design complet d’ingénierie », explique Marion Lacombe, Business Developer à la Direction Développement de GRTgaz.
Concrètement, ces études vont permettre d’analyser et de préciser tous les aspects du projet, depuis le tracé prévisionnel jusqu’aux enjeux techniques, fonciers, administratifs, environnementaux mais aussi de sécurité industrielle. « Nous entrons dans le vif du sujet. Bâtir une infrastructure de transport d’hydrogène dans une telle zone industrialo-portuaire est complexe, notamment en termes de foncier ou de franchissement d’ouvrages », détaille Marion Lacombe.
Ces études constituent en plus un prérequis avant que soit prise la décision d'investissement (Final Investment Decision – FID en anglais) de la part de GRTgaz, laquelle pourrait intervenir avant la fin de l’année 2025. Elles sont enfin une pièce maîtresse du dépôt de dossier en vue d’obtenir l’autorisation administrative de construire et d’exploiter l’infrastructure. La mise en service d’un premier tronçon de 10 km de réseau de transport, opéré par GRTgaz, est attendue pour la fin 2027.
Dunkerque, zone prioritaire pour la décarbonation industrielle
La zone représente 20 % des émissions de CO2 industrielles françaises. « Elle est devenue l’un des grands bassins à décarboner. Au côté des industriels, le Grand Port Maritime de Dunkerque et la Communauté urbaine (CUD) sont très engagés pour réussir cette transition », explique Marion Lacombe. L’hydrogène bas-carbone a été identifié comme un des leviers de décarbonation, dans un écosystème marqué par la présence de nombreux sites d'approvisionnement énergétique (centrale nucléaire, terminal méthanier, centrale électrique thermique…) mais aussi par des sites de production métallurgiques et pétrochimiques, dont l’usine sidérurgique d’ArcelorMittal. Le groupe sidérurgique est l’un des trois premiers clients industriels de GRTgaz activement impliqués dans le projet DHUNE, avec Imerys (spécialités minérales pour l’industrie) et le producteur d’hydrogène H2V. Ce dernier est d’ailleurs « engagé sur le territoire dunkerquois depuis 2018 », précise Alexis Martinez, son directeur général. « Nous disposons de toutes les autorisations nécessaires à la mise en œuvre de notre projet de gigafactory de production d’hydrogène vert, dont nous prévoyons la mise en service fin 2027 ».
Hydrogène bas-carbone : ArcelorMittal en fer de lance
Réduire de 35 % ses émissions de GES totales d’ici à 2030 et la neutralité carbone pour 2050 : telle est l’ambition d’ArcelorMittal. Or, la majeure partie de son empreinte carbone provient du « primary », la phase de transformation de la matière première en acier brut, réalisée actuellement grâce au charbon. « Nos hauts fourneaux de Dunkerque émettent près de 12 millions de tonnes de CO2 par an, avec un facteur de 1,8 tonne de CO2 émise pour 1 tonne d’acier produit », rappelle Thomas Bulteau, Manager support energy pour ArcelorMittal France.
Conscient de sa responsabilité, le groupe a décidé de « s’attaquer au cœur du problème » et investit massivement pour sortir du charbon, au profit du gaz (ou du biométhane) et de l’hydrogène bas-carbone. L’hydrogène bas-carbone est appelé dans ce mix à prendre une part de plus en plus importante au fil du temps, en fonction de sa disponibilité en termes de production. Sur le site, la transformation se concrétisera par l’installation d’une unité DRI (réduction directe du fer ou direct reduction of iron), capable de fonctionner au gaz comme à l’hydrogène. Elle sera couplée à deux fours électriques, indispensables pour faire fondre l’acier.
En parallèle, ArcelorMittal actionne d’autres leviers de décarbonation : le recyclage de l’acier et le CCUS (Carbon Capture, Utilisation and Storage, ou capture, stockage et utilisation du carbone en français). « Qu’il s’agisse de gaz naturel, d’hydrogène ou d’électricité, cette transition implique de nouveaux et grands besoins de puissance, qu’il faudra faire cheminer jusqu’à notre site. Il était logique que nous nous engagions dans un projet d’infrastructure de transport mutualisée tel que DHUNE, souligne Thomas Bulteau. Nous partageons avec GRTgaz la même vision de réseau et de maillage territorial. »
Phase 2 vers la Belgique
Après 2030, le réseau DHUNE devrait justement s’étendre. Ce deuxième acte permettra d’interconnecter le premier tronçon de Dunkerque avec la Belgique voisine et, par extension, avec la Dorsale hydrogène européenne (Hydrogen European Backbone). C’est dans cette logique qu’un plus vaste projet de corridor hydrogène franco-belge porté par GRTgaz, dont le projet DHUNE est la première phase, a été labelisé « Project of Common Interest » par l’Europe en novembre 2023.
« C’est pour cette raison que nous continuons à échanger avec d’autres acteurs de l’écosystème régional », indique Marion Lacombe. Une vision ouverte et évolutive entièrement partagée par ArcelorMittal : « DHUNE prend tout son sens dans l’interconnexion. Autour de Dunkerque comme en Belgique, d'autres projets émergeront. Nous aurons besoin d’eux et eux de nous », résume Thomas Bulteau.
Ce projet a été financé par l'état dans le cadre de France 2030 opéré par l’ADEME.