Appel à manifestation d’intérêt sur le CO2 à Dunkerque
Le 6 février, GRTgaz a lancé un appel à manifestation d’intérêt en vue de développer un réseau de transport de CO2 par canalisations dans le Grand Port maritime de Dunkerque. Une démarche complémentaire aux appels à manifestation d’intérêt lancés pour le transport d’hydrogène. Rencontre avec Marion Lacombe, business developper au Pôle « Transport H2 et CO2 » en région Hauts-de-France, à Valenciennes et à Dunkerque, et Pierre-Yves Le Strat, responsable d’affaires au sein du même Pôle de la Direction Développement pour les territoires Normandie et Vallée de la Seine et référent marché transport de CO2.
Quel est votre rôle dans cet appel à manifestation d’intérêt sans précédent ?
Marion Lacombe : En tant que cheffe de projets pour le développement du transport d’hydrogène, j’ai travaillé sur des appels à manifestation d’intérêt pour des réseaux de transports dans ce domaine. Mon rôle est de m’appuyer sur tout ce qui a déjà été réalisé pour l’hydrogène, notamment par les différentes directions qui s’étaient déjà appropriées ce sujet et en avaient étudiées les opportunités pour GRTgaz.
Pierre-Yves Le Strat : Pour ma part, je viens en appui sur l’appel à manifestation d’intérêt pour que la solution apportée corresponde aux attendus des industriels et du territoire, dans une logique d’optimisation de l’infrastructure qui sera proposée. En effet, un besoin de développement d’infrastructures a été identifié sur un certain nombre de bassins industriels. Les enjeux de décarbonation y sont forts et touchent les grosses industries, en particulier la métallurgie, le ciment, la chaux, et la chimie. Ces acteurs, qui émettent une quantité importante de CO2, n’ont pas tous les moyens à disposition pour atteindre une décarbonation complète de leur activité à horizon 2050 en mettant en œuvre les solutions d’efficacité énergétique ou de passage à des vecteurs énergétiques décarbonés. Notre rôle est de leur proposer une solution concrète pour permettre la mise en œuvre d’une chaine de captage, de stockage et de valorisation du CO2, essentielle à l’atteinte de leur objectif.
Comment ce projet s'inscrit-il dans la stratégie globale de la région de Dunkerque en matière de développement durable et de transition énergétique ?
Marion Lacombe : Ce projet est un axe important de décarbonation. Il est porté par des acteurs territoriaux comme le Grand Port maritime de Dunkerque ou la Communauté Urbaine de Dunkerque. En travaillant au développement d’un réseau de transport de CO2 et à la capture du CO2, GRTgaz répond aux objectifs de la stratégie globale de la région.
Concrètement, quels sont les points communs avec les appels à manifestation d’intérêt pour l’hydrogène ?
Marion Lacombe : Les enjeux de cet appel à manifestation d’intérêt rejoignent ceux de l’hydrogène puisque le rôle de GRTgaz est de dialoguer avec les acteurs institutionnels, ainsi qu’avec les acteurs clés de l’industrie qui veulent décarboner leurs activités en mettant en œuvre des solutions de décarbonation. Il faut au préalable échanger avec l’ensemble des parties-prenantes, en suivant la même démarche que pour les réseaux hydrogène.
Pierre-Yves Le Strat : Les objectifs sont non seulement similaires, mais aussi complémentaires. En finalité, nous cherchons à établir trois réseaux, un pour chaque molécule : méthane, hydrogène et CO2, mutualisés au service de tous les acteurs. Grâce à ces réseaux, les parties prenantes vont ensuite contribuer à l’attractivité de ces territoires, en maintenant ou en développant leur activité tout en la décarbonant, ou en développant de nouveaux projets et usines. Il s’agira d’un véritable avantage pour la zone et en premier lieu pour le port industriel.
Marion Lacombe : C’est une démarche publique et transparente qui n’est pas exclusivement réservée aux acteurs déjà identifiés. Les infrastructures qui en découleront seront accessibles à tous les acteurs qui le souhaitent.
Quelle est la capacité de transport prévue ?
Marion Lacombe : Le projet sera dimensionné en fonction des besoins identifiés à l’issue de l’appel à intérêt.
Pierre-Yves Le Strat : Le Port de Dunkerque émet 20 % du CO2 industriel à lui tout seul et représente la principale zone d’émissions de CO2 en France. Ce bassin industriel a été ciblé en raison de l’enjeu majeur de décarbonation qu’il représente. Nous ne pouvons pas encore établir exactement le niveau de captage, mais si on donne un ordre de grandeur, il pourrait atteindre plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. Les premières canalisations pourraient s’étendre ensuite en raison de l’emplacement du projet et collecter plus de CO2 dans la région.
Comment ce réseau va-t-il être connecté aux sources de CO2 ?
Pierre-Yves Le Strat : Des industriels vont y injecter du CO2 qu’ils captent, tandis que d’autres vont pouvoir en prélever dans une logique de valorisation. Il pourra s’agir par exemple de productions d’hydrocarbures, de kérosène de synthèse et de méthane de synthèse. Il s’agit donc de connecter tous les industriels au réseau. Par ailleurs, un terminal de CO2 sur la façade maritime permettra de liquéfier les molécules de CO2, et de les charger sur des bateaux pour les exporter vers des zones de stockages géologiques profonds à l’étranger.
Marion Lacombe : En ce sens, la position géographique de Dunkerque qui donne sur la mer du Nord est un atout indéniable car elle facilite l’accès aux capacités de stockage géologique de CO2 sur cette région.
Pierre-Yves Le Strat : La mer du Nord est la région d’Europe où se développent le plus de stockages de CO2. L’objectif est de les rejoindre.
Quels sont les défis techniques ?
Marion Lacombe : Pour GRTgaz, il s’agit de transformer les pratiques d’un réseau de gaz ou gaz renouvelables qui existe et qui a fait ses preuves, en mettant ses compétences au service de la molécule CO2 qui a des caractéristiques propres bien connues de GRTgaz.
Et pour terminer, quel est le calendrier prévu ?
Pierre-Yves Le Strat : L’appel à intérêt a débuté le 7 février pour une durée de deux mois. Si le marché répond favorablement à cette étape, il y aura des études plus techniques avec des questions de dimensionnement et de tracé et des études de définition jusque fin 2024. Cela devrait nous conduire ensuite à une fin de construction du réseau et un démarrage en 2028.